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Un jeune homme immature
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Un jeune homme immature
15 janvier 2009

Dans le train pour Paris

"Monsieur...réveillez vous Monsieur... s'il vous plaît. Contrôle des titres de transport... Monsieur!" hurle le contrôleur.
Je me retourne. Un type est endormi sur le fauteuil derrière moi. Le contrôleur le secoue. Le type a les cheveux en épis, il sent le vin. Il semble plongé dans un profond sommeil, il respire très fort.
"Monsieur s'il vous plaît..."
Les voyageurs regardent la scène. Une petite fille devant moi est à genoux sur son siège, les yeux grands ouverts.
"Hein? Euh... ouai?" s'exclame le type qui se réveille en sursaut. Il a la voix rauque, d'énormes cernes sous les yeux.
"Votre billet Monsieur..." répète le contrôleur qui s'impatiente.
Le type  marmonne des choses incompréhensibles, il fouille dans les poches de son jean, de sa veste. Le contrôleur attend en tapant du pied, je regarde son pouce jouer avec un stylo, faisant sans cesse entrer et sortir la mine. Le contrôleur doit avoir dans les 50 ans et il a le visage rempli de tics, ce qui fait remuer sa moustache grise.
Le type se lève, extrait un vieux sac Le coq sportif du compartiment au-dessus des fauteuils, l'ouvre et fouille à l'intérieur, ouvrant toutes les poches. Il sort toutes ses fringues en les balançant par terre.

Le contrôleur regarde sa montre, tousse à plusieurs reprises.
"Je le trouve pas..." lâche le type en levant la tête de son sac.
Il baille. Le contrôleur tousse.
"C'est très fâcheux ça Monsieur. Vous allez devoir payer une amende..."
Le type s'asseoit près de la fenêtre et regarde dehors.
"Veuillez me suivre s'il vous plaît."
Le type ne réagit pas alors le contrôleur répète son ordre. Le type se décide à suivre le contrôleur. Je les regarde avancer dans le couloir, le type manque de s'étaler quelques fois mais se retient aux fauteuils. Je me demande où ils vont et sort mon I-pod.

Quand je dépose le casque sur mes oreilles, les gens commencent à s'exciter, à parler fort de la scène qu'on vient de suivre. J'appuie sur lecture et regarde par la fenêtre.
Le paysage défilent sous mes yeux. Il se recouvre de neige à mesure que le train avance, le brouillard envahit les champs.
On passe sous un tunnel, je regarde mon reflet dans la vitre. Une voix sort soudain de hauts-parleurs, je l'entends vaguement indiquer dans quel wagon se situe le bar, puis présenter les boissons et sandwichs disponibles. Je monte le son à fond, les Beach Boys entonnent Sloop John B.
Les tas de fumier fument dans la froidure du soir qui s'installe peu à peu. Le contrôleur apparaît dans la vitre alors je me retourne et lui tend mon billet. Je vois ses lèvres remuer mais je ne cherche pas à savoir ce qu'il raconte et garde mon casque sur les oreilles. Je jette un oeil sur le fauteuil derrière moi mais le type qui s'est fait embarqué tout à l'heure n'est pas revenu.
Je regarde le contrôleur s'en aller et sors Notes of a Dirty Old Man de mon sac. Je commence à lire mais je m'endors au bout de quelques lignes, bercé par David Kilgour.

Du raffut dans le wagon me réveille. J'ai la tronche enfoncé dans mon Bukowski. Le train est arrêté, des personnes viennent de monter. Mon I-pod n'a plus de batterie, dehors il fait nuit, deux jeunes nanas qui n'arrêtent pas de parler avec des voix ultra-aigues s'asseyent juste derrière moi.
"Et merde" je murmure en m'écrasant les mains contre la figure.
Un rire éclate sur ma gauche, me fait sursauter. Une fille est assise à mes côtés. Je retire mon casque.
"Vous m'avez fait peur"
"Excusez-moi, je voulais pas..." dit la fille me souriant. "Votre réflexion m'a fait rire."
"Uh?" je dis en me frottant les yeux. Je dois avoir l'air crevé.
"A propos des deux filles derrière nous..."
Ces jeunes minettes sont insupportables, leurs voix résonnent dans mon crâne.
"Ah oui... Elles vont nous faire chier tout le long du voyage vous allez voir..." je dis.
"Mon dieu, il faudrait les faire taire!" elle dit en riant. "Vous allez où?"
"Paris"
"Moi aussi"
Je reste fixer ses grands yeux jusqu'à ce qu'elle plonge la tête au fond de son sac. Cette miss est vraiment jolie, elle porte un pull à col roulé bleu et un jean cigarette noir. J'évalue la forme de ses fesses pendant qu'elle est penchée sur son sac. Elle fouille un moment et y sort Less than zero.
"Oh, Ellis! Mon écrivain préféré..." je lâche d'un ton enjoué.
"C'est vrai? Moi je découvre, un ami vient de me le prêter. J'aime beaucoup son style en tout cas..."
"J'adore! Less than zero est un chef d'oeuvre. Et je vous incite à lire ses autres romans par la suite si vous accrochez. American Psycho m'a renversé"
"J'ai vu le film. En effet c'est... renversant comme vous dites..." elle rit.

"Moi c'est Ron. Vous êtes?"
"Camille" elle me dit en m'offrant un large sourire.
"Enchanté!"
"Vous habitez Paris?"
"Non, je vais chez un ami qui habite près des Champs-Elysées"
"Okay"
"Vous y habitez, vous?"
"Oui, je vis près du canal St-Martin"
Elle ouvre Less than zero, déplie le coin de la page 48 et commence à lire.

"Putain hier j'ai acheté un pull en M alors que je mets du S! Du coup c'est un peu trop grand!"
"Woah! Pourquoi tu l'as acheté s'il est trop grand?"
"Ben y'avait plus de S et je le trouvais vraiment joli! Il me le fallait absolument. Mais je vais voir avec ma mère pour essayer de le rétrécir à la machine..."
"Ouai vaut mieux... Tu sais cette nuit j'ai fait un rêve vraiment génial!"
"T'as rêvé de quoi? C'était un rêve érotique? Y'avait Steve à poil?"
Les deux filles éclatent de rire. Je regarde Camille, elle hausse les épaules et me sourit.
"Nan c'était pas Steve c'était Jimmy! Il entrait nu par la fenêtre de ma chambre et m'emmenait avec lui dans sa porshe rouge... On faisait l'amour jusqu'au petit matin dans la voiture qu'il avait garé près de la mer..." "
"Ah... J'aime pas trop Jimmy, je le trouve pas très beau..."
"Tu déconnes il est trop choux! Moi j'aimerai vraiment sortir avec lui..."

"Le Mans dix minutes d'arrêt!"

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Commentaires
I
Avec un peu d'alcool pour mettre de l'ambiance, Jimmy et Steve c'est presque du Bukowski... Bon d'accord pas tout à fait!
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